Les objets utilitaires :
Une culture matérielle immémoriale
La production matérielle des objets utilitaires/fonctionnels en Afrique subsaharienne est d’une grande richesse et d’une remarquable diversité. Car si le sculpteur africain crée ces objets pour répondre aux besoins quotidiens, qu’ils soient politiques, religieux, domestiques, alimentaires, ludiques, sportifs, militaires, chaque objet associe de manière unique esthétisme et fonctionnalité, au service de la qualité utilitaire de l’objet. Il est évident que l’esthétisme d’un objet, tout comme sa fonction, est partie prenante dans l’intention de fabrication. D’ailleurs, pour certains objets rituels, plus leur beauté est grande, plus leur pouvoir magique est renforcé… La fonction de ces objets utilitaires ne peut être cernée que par rapport à leurs contextes de création, de production et d’utilisation.
La collection du Fonds de Dotation Lévêque est une véritable vitrine de cette production matérielle touchant au plus près de la vie sociale de ces sociétés.
Les objets de la vie quotidienne
Les cuillères sont souvent finement sculptées, à l’instar des cuillères Dan en Côte d’Ivoire, qui sont exhibées lors de fêtes villageoises au cours desquelles les représentantes d’associations féminine sont chargées d’organiser les repas. Elles sont offertes à la femme la plus hospitalière du village.

“La cuiller à jambe ou femme-cuillère est une création extraordinaire propre aux artistes Dan. Je ne connais nulle part en Afrique noire des cuillères aussi imposantes et parfaitement sculptées.”
– Bernard de Grunne
Les étriers de poulie de métiers à tisser, en Côte d’Ivoire, présentent des formes stylisées et sont souvent surmontés d’une figure anthropomorphe.

Les appuis-nuques servent à protéger la coiffure lors du sommeil. Dans certaines régions en Afrique subsaharienne, la coiffure est un symbole servant d’indicateur d’âge, de genre, et de statut social.

Les peignes sont finement ornementés, comme cette paire de peignes de mariée Ashanti, ou ce peigne Baoulé incrusté d’ivoire.


Les objets rituels
Les oracles à souris, en pays Baoulé en Côted’Ivoire, sont des procédés divinatoires très ingénieux : à l’intérieur de la boîte, deux compartiments communiquent. On y dispose des graines et des baguettes. Les souris, en mangeant les graines, modifient la disposition des baguettes qui fait l’objet d’une interprétation par le devin.


Les oracles à friction sont utilisés par les devins pour prédire l’avenir. Ce magnifique exemplaire Dengese est anthropomorphe, le personnage portant un bonnet utilisé par les notables.
Les instruments de musique
Les harpes font l’objet d’une stylisation particulière, notamment au Gabon et en République Démocratique du Congo. Cette harpe Mangbetu présente un manche anthropomorphe représentant une figure féminine à la haute coiffe caractéristique.


Les olifants sont des instruments de musique à vent, dont l’embouchure latérale est percée dans la courbe interne concave de l’instrument. Ils sont souvent surmontés de personnages et décorés de motifs sculptés en bas relief, comme cet olifant Kongo.

Les objets du prestige royal
Les haches et herminettes sont portées sur l’épaule afin d’indiquer le rang social de leur propriétaire. Cette herminette Lele présente une tête anthropomorphe avec une lame gravée jaillissant de la bouche.

Les tabourets et chaises sont souvent liés au prestige royal. Cette chaise Tchokwé d’Angola en est un parfait exemple : les petites sculptures de personnages représentent les domaines de la vie sociale et rituelle dans lesquels intervient le chef.

Les cannes et sceptres sont des objets d’apparat, comme l’illustre parfaitement ce sceptre-tabatière Tchokwé, qui est sculpté en son sommet d’un personnage de haut-rang. Il était porté par un jeune garçon lors des visites et cérémonies officielles.


Les pipes, lorsqu’elles sont magnifiquement sculptées, sont également l’apanage de l’élite royale. Cette pipe Bamoun du Cameroun offre une représentation anthropomorphe réservée aux chefs (« Fon« ) de très haut rang et aux membres de la famille royale. Les joues gonflées du personnage pourraient rappeler les hérauts joueurs de trompe accompagnant le monarque dans ses déplacements, ou encore la puissance des Fon.

Références bibliographiques sélectives :
ELOUGA Martin, “Comprendre les objets africains. Perspectives méthodologiques d’étude d’une culture matérielle diversifiée”, Trans. Revue électronique de recherches sur la culture [en ligne], consulté le 24 mars 2020.
URL : http://www.inst.at/trans/20/comprendre-les-objets-africains-perspectives-methodologiques-detude-dune-culture-materielle-diversifiee/
• FAÏK-NZUJI Clémentine, Symboles graphiques en Afrique, Paris, Karthala-Ciltade, 1992.
• JEWSIEWICKI Bogumil, “De l’art africain et de l’esthétique : valeur d’usage, valeur d’échange”, Cahiers d’études africaines, vol. 36, n° 141-142, 1996, p. 257-269.
• MVENG Engelbert, L’Art et l’Artisanat Africain, Yaoundé, Editions CLE, 1980.